Alain Mabanckou

Lettre à Jimmy, hommage à James Baldwin auteur de La prochaine fois le feu

Par porc-épic interposé, il s’adressait l’an passé à un « cher Baobab » fort attentif. Cette fois, plutôt que de publier un essai convenu sur l’écrivain noir américain James Baldwin, il écrit directement à son « cher Jimmy ». On voit par là qu’Alain Mabanckou, qui enseigne la littérature francophone à l’UCLA en Californie, est bien ce qu’on appelle un homme de lettres. Le conteur et le conférencier se réconcilient dans la forme épistolaire : cet apôtre d’une « littérature-monde » n’écrit pas pour se regarder le nombril, mais pour sortir de soi, et transmettre. Mabanckou aime à se placer « en situation de communication », vous diront les linguistes et votre neveu dès qu’il aura assimilé son programme de français. La réussite de la « Lettre à Jimmy » est d’éviter ce jargon techniciste, sans se priver d’une impeccable érudition universitaire. Pour retracer la vie de Baldwin (1924-1987) jusqu’à Saint-Paul-de-Vence, où le gamin de Harlem était devenu l’ami de Montand et Signoret. Mais aussi pour nous faire partager, à grand renfort de citations, les subtilités d’une pensée qu’a souvent camouflée une série de clichés sur son homosexualité et son radicalisme politique. Aucune désinvolture, donc, dans le tutoiement choisi pour rendre hommage à « Jimmy ». Si familiarité il y a, c’est au sens où l’auteur congolais d’« African Psycho » appartient à la même famille que l’ancien écolier new-yorkais : à la fois romancier et essayiste, à cheval sur trois continents et soucieux de distinguer la situation des francophones d’Afrique de celle des Noirs américains. Sans rester prisonnier du poids tragique de l’histoire, ni d’une fracture coloniale aux contours simplistes. « Il n’est pas de pire personnage que celui qui joue le rôle dans lequel on l’attend », note Mabanckou en renvoyant dos à dos ceux qui se figent dans une éternelle posture de victimes et ceux qui les y contraignent par leur indifférence. Certes, Baldwin ne va pas plus lui répondre que le Baobab des « Mémoires de porc-épic ». Encore que… Une deuxième vie est ici donnée à l’auteur de « la Prochaine fois, le feu ». « Je me crée interminablement », disait Fanon. C’était le credo de Baldwin, nous dit Mabanckou ; c’est aussi le sien. Indice, s’il en fallait, qu’un écrivain qui s’adresse à un autre en dit souvent aussi long sur lui-même que sur son destinataire. On vous laisse en juger à travers les lettres qu’ont accepté d’écrire pour « le Nouvel Observateur » six auteurs de la rentrée littéraire à leurs plus chers confrères.

Biographie
Alain Mabanckou est un écrivain franco-congolais né à Pointe-Noire (République du Congo) le 24 février 1966. Il a remporté en 2006 le prix Renaudot pour son roman Mémoires de porc-épic. L’ensemble de son œuvre a été couronné d’abord en 2012 par l’Académie française (Grand Prix de littérature Henri Gal), puis en 2013 par la Principauté de Monaco (Prix Littéraire Prince Pierre de Monaco pour l’ensemble de l’œuvre).

 


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