Emmanuel Pierrat

Sade et le feu de l’Enfer

 

Chez Sade, le feu est omniprésent.

Il est d’abord en lui, en son âme, remplie de flammes du désir qui auraient guidé ses actes, ainsi que son œuvre. Donatien Alphonse François de Sade n’aurait eut en effet de cesse, au cours de sa vie, que de faire rejaillir ce désir, en s’adonnant à des pratiques sexuelles ne correspondant pas aux mœurs de son époque, et en le couchant sur le papier, notamment lors de ses nombreuses incarcérations. Car son feu, parfois, aurait conduit certaines de ses partenaires à l’enfer, et lui en cellule. De son désir hors norme, l’Histoire retient en effet le libertinage, la débauche, le sadomasochisme, mais aussi les traitements dégradants, la flagellation, voire la torture. Une question est toutefois permise : Ces pratiques enflammées ne relèvent-elles pas d’expériences de laboratoire, qui sont plus là pour répondre à des questionnements intellectualo-littéraires ? Certains opposants lettrés et contemporains du marquis ne pensent pas autrement : « tout juste un grand écrivain fantasmant ce qu’il n’a pas fait ».

Justine ou les malheurs de la vertu, paru en 1791, est la première œuvre publiée du vivant de Sade. La Philosophie dans le boudoir ou Les Instituteurs immoraux, sous-titré Dialogues destinés à l’éducation des jeunes demoiselles est imprimé quatre ans plus tard. Un degré supplémentaire vient d’être franchi là dans l’exploration du vice. Sade ne reconnaîtra jamais la paternité de ce premier livre ni du second. En 1799, La Nouvelle Justine, suivie de Histoire de Juliette, sa sœur sont livrés au public, un public il est vrai restreint, mais qui va vite s’élargir, sollicité par le souffre et la légende. Ces trois œuvres, dont Sade niera jusqu’à la fin être l’auteur, paraissent anonymement avant de rejoindre presque aussitôt la clandestinité, puis de disparaître un temps de la circulation. Avec les Cent Vingt Journées de Sodome, ces trois ouvrages forment la quintessence de la transgression sadienne et de son entreprise de destruction de la morale et de la religion.

Car les flammes de son être ne se portaient pas uniquement sur les plaisirs charnels – voire cruels. Elles étaient le moteur d’une révolte permanente contre certaines coutumes de son époque et de son milieu, contre les croyances religieuses et contre les mœurs.

Sade et son œuvre sont aussi l’objet du feu. Simone de Beauvoir posait d’ailleurs la question dans son bien nommé Faut-il bruler Sade ?. Car le feu est aussi pour Sade, celui de la censure. Le premier degré prévaut dans cette idée : durant plusieurs siècles en effet, les écrits condamnés par un tribunal ecclésiastique ou par une cour de justice ont été brûlés, et parfois brûlés avec leur auteur ou avec un mannequin le représentant, si le coupable était en fuite.

Ce feu vient ici de l’enfer, imagée cette fois. Un enfer où se retrouvaient à leur mort tous ceux qui avaient vécu à l’encontre des mœurs, à l’encontre de dieu, et où étaient jetés dans les flammes tous leurs écrits, tous leurs brulots.

Retour à la réalité : le Supplément du Grand Dictionnaire universel de Larousse précise qu’« il existe à la Bibliothèque nationale un dépôt qui n’est jamais ouvert au public : c’est l’Enfer, recueil de tous les dévergondages luxurieux de la plume et du crayon ». De manière évidente, Sade, aujourd’hui au paradis des grands écrivains, y détient de nombreux écrits.

Il nous faudra, bien plus tard, le feu passionné d’éditeurs audacieux pour (re)découvrir l’œuvre extraordinaire de cet écrivain si particulier.

 

Bio-Bibliographie

Emmanuel Pierrat, né en 1968, est avocat au Barreau de Paris. Il est Membre du Conseil National des Barreaux et Ancien Membre du Conseil de l’Ordre. Il est Conservateur du Musée du Barreau de Paris Il est Conservateur du Musée du Barreau de Paris et préside aux destinées de la Grande Bilbiothèque du Droit (lagbd.org).

Il dirige un cabinet qui traite de droit de la communication, de propriété intellectuelle et de marché de l’art. Il est titulaire depuis 1997 du certificat de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle. Il préside le jury national de spécialisation en droit de la propriété intellectuelle.

Emmanuel Pierrat accompagne également ses clients artistes et auteurs dans le cadre de la négociation de leurs contrats et de la promotion de leur carrière. Il exerce ainsi les fonctions d’agent d’artistes littéraires et artistiques (inscrit sous le numéro 2012-00667 auprès du registre du Ministère de la Culture).

Il est également enregistré comme « Correspondant Informatique et Libertés » pour les démarches afférentes à la CNIL.

Emmanuel Pierrat rédige un blog judiciaro-littéraire, alimenté chaque semaine, sur le site de livreshebdo.fr. Il écrit aussi régulièrement dans diverses  sur le droit d’auteur et le droit du marché du livre.

Emmanuel Pierrat a publié de nombreux ouvrages juridiques de référence sur le droit de l’édition, la liberté d’expression, le droit du commerce du livre, le droit à l’image.

Il a également signé plusieurs essais sur la culture, la justice ou encore la censure et en particulier : La Guerre des copyrights (Fayard, 2006), Antimanuel de droit, (Bréal, 2007), La Justice pour les nuls (First, 2007 et 2013).

Par ailleurs, en tant que membre du Conseil d’Orientation du Centre africain pour la formation à l’édition et à la diffusion (CAFED, Tunis), il effectue de fréquentes missions d’expertise et de formation concernant le droit de la culture dans toute l’Afrique, le Proche et le Moyen-Orient, ainsi qu’en Inde.

Il est membre du Comité scientifique du MOTIF (Observatoire du Livre et de l’Ecrit en Ile-de-France).

Il est également l’auteur de plus d’une dizaine de romans et récits, dont, récemment, Troublé de l’éveil (Fayard, 2008) ou encore Maître de soi (Fayard, 2010).

Emmanuel Pierrat collectionne également les livres censurés, à propos desquels il a signé Le Bonheur de vivre en Enfer (Maren Sell, 2004), Le Livre des livres érotiques (Chêne, 2007), Le Livre noir de la censure (Le Seuil, 2008), Cent livres censurés, Chêne, 2010), Cent images à scandale (Hoëbeke, 2011 et 2013), Cent Œuvres d’art censurées (Chêne, 2012), Cent chansons censurées (Hoëbeke, 2014).

Il réédite et préface chez divers éditeurs des livres autrefois interdits, souvent tirés de ses propres collections.

Il est enfin président du Prix Sade.

 

Bibliographie (non exhaustive)

Fictions et récits

Histoire d’eaux, Le Dilettante, 2002, Pocket, 2004, Libra Diffusio, 2004.

La Course au tigre, Le Dilettante, 2003, Pocket, 2005.

Le Sexe  (direction d’ouvrage), La Découverte, collection «  Les Français peints par eux-mêmes », 2003.

L’Industrie du sexe et du poisson pané, Le Dilettante, 2004, Pocket, 2006.

Les Dix Gros Blancs, Fayard, 2005, Pocket, 2007.

Fin de pistes, éditions Leo Scheer, 2006.

Troublé de l’éveil, Fayard, 2008, Editions des Femmes/Bibliothèque des voix, 2009.

Maître de soi, Fayard, 2010.

Une maîtresse de trop, Biro éditeur, Les sentiers du crime, 2010.

L’Editrice, Hors collection, L’instant érotique, 2010.

Maître Nemo largue les amarres, L’Une & l’autre, 2010.

La Féticheuse, Atelier in-8, 2012.

Qui a tué Mathusalem ? (en collaboration avec Jérôme Pierrat), Denoël, 2012.

Le Procès du dragon (Le Passage, 2015).

La loge et le nazisme, Les Francs-maçons et la Seconde Guerre Mondiale (Albin Michel, 2015).

Essais

Le Sexe et la loi, Arléa, 1996, La Musardine, 2002, 2008 et 2015.

La Culture quand même (en collaboration avec Patrick Bloche et Marc Gauchée), Mille et une nuits, 2002.

L’Édition en procès (en collaboration avec Sylvain Goudemare), Éditions Léo Scheer, 2003.

Le Bonheur de vivre en Enfer, Maren Sell éditeurs, 2004.

Lettres galantes de Mozart (en collaboration avec Patrick de Sinety), Flammarion, 2004.

Pirateries intellectuelles, Sens & Tonka, 2005.

La Guerre des copyrights, Fayard, 2006.

Brèves de prétoire, Chifflet et Cie, 2007.

La Justice pour les nuls (corédaction et direction d’ouvrage), First, 2007 et 2013.

Le Sens de la défense (en collaboration avec Jeanne-Marie Sens), L’Une & L’Autre, 2008.

Le Livre noir de la censure (corédaction et direction d’ouvrage), Le Seuil, 2008, Prix Tartuffe 2008.

Museum Connection, enquête sur le pillage de nos musées (en collaboration avec Jean-Marie de Silguy), First, 2008.

Nouvelles brèves de prétoire, Chifflet et Cie, 2008.

Les Grandes Enigmes de la justice, First, 2009

Le Paris des Francs-maçons (en collaboration avec Laurent Kupferman), Le Cherche-Midi, 2009 et 2013.

Accusés Baudelaire, Flaubert, levez-vous ! Napoléon III censure les Lettres, André Versaille Editeur, 2010.

Familles, je vous hais ! Les héritiers d’auteurs, Hoëbeke, 2010.

La Collectionnite, Le Passage, 2011.

Les Grands Textes de la Franc-maçonnerie décryptés (en collaboration avec Laurent Kupferman), First, 2011.

Les Veuves abusives d’Anatole de Monzie (édition critique), Grasset, Les Cahiers rouges, 2011.

Faut-il rendre les œuvres d’art ?, CNRS éditions, 2011.

Comme un seul homme, droit, genre, sexe et politique, Galaade, 2012.

Aimer lire, une passion à partager, Du Mesnil, 2012.

Ce que la France doit aux francs-maçons (en collaboration avec Laurent Kupferman), First, 2012.

Paris, ville érotique. Une histoire du sexe à Paris, Parigramme, 2013.

Les Secrets de la Franc-maçonnerie, La Librairie Vuibert, 2013.

Les Lorettes, Le Passage, 2013.

La Famille d’aujourd’hui pour les nuls (en collaboration ave Julien Fournier et Sophie Viaris de Lesegno) , First, 2013.

Les Arts premiers pour les nuls, First, 2014.

Les Brèves de prétoire, l’intégrale ?, Chifflet & Cie, 2015.

Les Symboles pour les nuls (First, 2015).

Les Grand Procès de l’histoire de France (La Martinière, 2015).

Jean-Jacques Pauvert, le Libertin des lettres (Calmann-Lévy, 2016).

Les Francs-maçons, Dieu et les religions, First, 2016.

Une histoire du culte de la personnalité, Vuibert, 2016.

Livres illustrés et livres d’art

Antimanuel de droit, Bréal, 2007.

Le Livre des livres érotiques, Chêne, 2007.

Pommes libertines (en collaboration avec Richard Conte), Bernard Pascuito éditeur, 2008.

Une idée érotique par jour, Chêne, 2008.

Comprendre l’art africain, Chêne, 2008.

Cent livres censurés, Chêne, 2010.

Les Nouveaux Cabinets de curiosité, Les Beaux Jours, 2011.

Cent images à scandale, Hoëbeke, 2011 et 2013.

Cent Œuvres d’art censurées, Chêne, 2012.

Le Phallus d’Alain Danielou (édition critique), La Demeure du labyrinthe , 2013.

Il était une fois Peau d’âne (en collaboration avec Rosalie Varda-Demy), La Martinière, 2014, Prix Simone Goldschmidt-Fondation de France.

Cent chansons censurées (en collaboration avec Aurélie Sfez), Hoëbeke, 2014.

Les Mots qui font mâle, Petit Lexique littéraire et poétique du sexe masculin (en collaboration avec Jean Feixas), Hoebeke, 2015.

Liberté sans expression : jusqu’où peut-on dire, écrire, dessiner ?, Flammarion, 2015.

Les Grand Procès de l’histoire de France (La Martinière, 2015).

Histoire de la barbe et de la moustache (en collaboration avec Jean Feixas), Hoebeke, 2015.

Le Droit d’auteur (en collaboration avec Fabrice Neaud), Le Lombard, 2016.

Ouvrages juridiques

Guide du droit d’auteur à l’usage des éditeurs, Éditions du Cercle de la Librairie, 1995.

Le Droit d’auteur et l’édition, Éditions du Cercle de la Librairie, 1998, 2005 et 2013.

Le Droit de l’édition appliqué I, Éditions du Cercle de la Librairie/Cecofop, 2000.

Reproduction interdite, le droit à l’image expliqué aux professionnels de la culture et de la communication, à ceux qui veulent protéger leur image et à tous les autres qui veulent comprendre la nouvelle censure iconographique, Maxima/Laurent du Mesnil, 2001.

Le Droit du livre, Éditions du Cercle de la Librairie, 2001, 2005 et 2013.

Le Droit de l’édition appliqué II, Éditions du Cercle de la Librairie/Cecofop, 2002.

Les Contrats de l’édition, 2011 et 2014, editionsducercledelalibraire.com (disponible uniquement sur support numérique)

Guide juridique pratique de l’éditeur. Livre-Presse-Multimédia (en co-direction avec Agnès-Lahn Gozin et Arnaud Le Mérour), Stratégies, 2001.

Traductions

Pensées paresseuses d’un paresseux de Jerome K. Jerome (traduit de l’anglais, en collaboration avec Claude Pinganaud), Arléa, 1991, Arléa poche, 1996.

Histoires de fantômes indiens de Rabindranath Tagore (traduit du bengali, en collaboration avec Ketaki Dutt-Paul), Cartouche, 2006, Arléa poche, 2008.

Fanny Hill, femme de plaisir (présenté et adapté de l’anglais), Bernard Pascuito éditeur, 2008.

Liens

http://www.cabinet-pierrat.com/

https://www.facebook.com/pages/Emmanuel-Pierrat/108486655851973?fref=ts


Warning: count(): Parameter must be an array or an object that implements Countable in /home/mathieullg/public_html/wp-includes/class-wp-comment-query.php on line 399