Nuit de Feu à la Tour de Masse

Lorsqu’il nous fut proposé, fin août 2014, de rencontrer les nouveaux propriétaires de la Tour de Masse, Olivier et Marie Régis, qui prenaient le relais de la famille Poulenc, laquelle avait tenu cet ensemble patrimonial pendant plus d’une centaine d’années,

l’idée de leur proposer un évènement sur ce site exceptionnel s’imposa comme une évidence. L’accueil qu’ils nous firent, aussi chaleureux qu’enthousiaste, laissa augurer d’une belle collaboration à venir.

L’on ne pouvait manquer de penser à ce numéro 136 de la revue poétique La Tour de feu consacré à Artaud. On y découvrait  « Trois lettres inédites d’Antonin Artaud au Docteur Ferdière (1943-1944) », avec une postface de Gaston Ferdière. Dans ces lettres, Antonin Artaud faisait notamment référence aux « feux de l’âme et de l’esprit », obsession qui ne surprendra pas tant ce thème du feu traverse son oeuvre. Il fallait un comédien qui entretienne un rapport singulier à la folie des auteurs ou des personnages de théâtre pour incarner au pied de cette bâtisse, à quelques kilomètres d’Espalion où Artaud était parfois autorisé à quitter l’asile d’aliénés de Rodez pour rejoindre à l’Hôtel de France un ami cher, le sublime poète André de Richaud par ailleurs lié à Joseph d’Arbaud, écrivain-félibre, directeur de la revue Le Feu. Ce comédien, lui aussi d’une certaine façon hanté par le feu qui dévore les poètes, de Rimbaud à Van Gogh, ne pouvait être que Matthieu Dessertine. De l’enfer d’Aden aux étoiles de feu de la Nuit étoilée, les lectures enfiévrées qu’il nous avait offertes en 2013 et 2014 le qualifiait d’évidence pour porter la voix d’Artaud le Momo au pied de cette Tour en compagnie de Clara Ponsot.

Le concept d’une Nuit de feu à la Tour de Masse prenait corps et comme pour la soirée d’ouverture un travail de recherches de propositions artistiques mêlées  se développa avec  Khaï-dong Luong et Bruno Bonhoure, avec les concours de Lydie Solomon, de l’Orgue à feu, de Clic et Tactus, d’Armelle Caron, Marin Laurens, Igal Shamir, Pierre Hamon, Carlo Rizzo, architecture d’une soirée passant des apparitions d’Artaud à un choix de « Mélodies de fraîcheur et de feu » composées sur des poèmes d’Éluard pour le piano par Francis Poulenc, -qui le sait-on résida à la Tour de Masse plusieurs étés-, pour aller au terme des créations musicales vers un embrassement poétique et musical avec tous les comédiens et musiciens présents.

Bruno Bonhoure né à Aurillac en 1971, porte en lui l’héritage des chants et des histoires qui rythmaient la vie quotidienne des paysans de la Haute Auvergne. Comparé au « bildung » par Carlo Ossola (Professeur au Collège de France) ou à Giovanna Marini par Lionel Esparza (France Musique), la qualité vocale, la présence scénique et la personnalité de Bruno Bonhoure en font l’un des ténors français les plus attachants. Directeur musical de l’ensemble La Camera delle Lacrime, ce musicien défend et valorise la langue occitane au travers de spectacles pluridisciplinaires. Ses dernières créations offrent une nouvelle lecture de ces répertoires musicaux historiques et ont été saluées par l’Académie des Arts, Lettres et Sciences du Languedoc. Pour 2015, Bruno Bonhoure travaille avec Khaï-dong Luong à plusieurs projets dont une adaptation du Codex Escorial (chants polyphoniques de la fin du moyen-âge) et diverses performances dans le cadre du projet Destination 2055.

 

Khaï-dong Luong, Né au Cambodge en 1971, Khaï-dong Luong est arrivé en France après avoir fui les khmers rouges. Diplômé́ de l’Agrégation de mathématiques et d’un Master en études cinématographiques, son idée directrice est de proposer une alternative à ce qui est pré- établi. Il restructure ainsi les formats habituels et bouscule les conventions pour surprendre et créer. Artiste protéiforme, il a co-écrit à Chicago le documentaire « Someplace Else » sélectionné aux festivals de Los Angeles, New York, Chicago, ainsi qu’une série de flms d’animation sélectionnée au Festival d’Annecy. Concepteur de spectacles et metteur en scène, il poursuit ses expérimentations sonores et visuelles au travers des spectacles « La Nuit, La Night, La Nuèch » (création 2011 mêlant musiques patrimoniales et boucles électroniques) et « Resistencia, les Chants de la Liberté » (création 2012 co-produite avec l’ensemble Diabolus in Musica). Sa vision contemporaine de l’interprétation des répertoires de musiques anciennes le conduit à considérer de nouveaux modes de transmission, à l’image du spectacle participatif autour du Livre Vermeil de Montserrat en 2013.

 


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